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Exploration des traditions juridiques autochtones

Les étudiants d’une association de la Faculté de droit partagent leurs apprentissages dans un magazine en ligne qui rassemble art, poésie et textes savants

Ă€ l’heure oĂą les traditions du droit autochtone se frayent un chemin dans les programmes des universitĂ©s canadiennes, un groupe d’étudiants en droit de ±«ÓăÖ±˛Ą partage ses apprentissages sur le campus et bien au-delĂ .

Le résultat, Rooted [qui signifie « enraciné » en anglais], est un magazine en ligne sur le droit autochtone qui propose une combinaison novatrice de contributions savantes, artistiques et poétiques.

L’idĂ©e du magazine est « nĂ©e de notre dĂ©sir de partager les connaissances que nous avons le grand privilège d’acquĂ©rir Ă  ±«ÓăÖ±˛Ą avec des Ă©tudiants qui, eux, ne sont pas Ă  la FacultĂ© de droit », explique Sarah Nixon, la corĂ©dactrice en chef. A l’instar des autres facultĂ©s de droit canadiennes, la FacultĂ© de droit de ±«ÓăÖ±˛Ą a rĂ©pondu aux appels Ă  l’action de 2015 de la Commission de vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation en renforçant la prĂ©sence des traditions du droit autochtone dans son cursus.

Sarah Nixon

Sarah Nixon poursuit : « Je pense que les nombreux jeunes qui sont engagés, ont une conscience sociale, lisent la presse et s’intéressent à la réconciliation auront de l’intérêt pour les connaissances que nous acquérons et partageons ici. »

Rooted compte des chercheurs, des activistes, des artistes et des leaders communautaires parmi ses contributeurs.

Du blogue au magazine

Sarah Nixon et Larissa Parker, toutes deux étudiantes en droit et membres de l’Association de droit autochtone, un groupe étudiant de la Faculté de droit, ont lancé Rooted l’année dernière. L’Association publiait depuis plusieurs années un blogue qui abordait entre autres des sujets comme la langue et le droit, ou encore la souveraineté alimentaire.

« Nous nous sommes dit que le blogue était un outil formidable et que nous voulions lui donner un prolongement », explique Sarah Nixon, qui a grandi dans une banlieue de Thunder Bay (Ontario), sur la rive ouest du lac Supérieur.

Pendant sa deuxième annĂ©e Ă  ±«ÓăÖ±˛Ą, Sarah s’est portĂ©e volontaire pour assumer la gestion du blogue, et a demandĂ© de l’aide Ă  ses collègues. Larissa Parker, auteure d’une thèse de maĂ®trise rĂ©digĂ©e Ă  l’UniversitĂ© d’Oxford sur l’influence des changements climatiques sur les Maoris dans les petits États insulaires, a rĂ©pondu Ă  son appel.

Ensemble, Sarah et Larissa ont décidé d’étendre le format du blogue, qui ciblait les étudiants et les chercheurs en droit, pour viser un public plus large. Elles ont voulu proposer une publication multimédia alimentée par des contributions de leaders communautaires, d’artistes et d’universitaires, pour refléter des perspectives diverses sur le droit autochtone.

Le droit autochtone « n’est pas caractĂ©risĂ© par des cas ni par une lĂ©gislation comparable aux traditions occidentales. Les ordonnances juridiques du droit autochtone ˛ő’e˛Ô°ů˛ął¦ľ±˛Ô±đ˛ÔłŮ plutĂ´t dans les sociĂ©tĂ©s autochtones elles-mĂŞmes, dans les rĂ©cits, les langues et les relations », poursuit Larissa. « Nous tenions vraiment Ă  ce que notre publication rassemble tout cela », ajoute Sarah.

Un titre enraciné

Le nom du magazine fait délibérément référence à la source du droit autochtone, soit des principes issus de l’observation des relations entre les végétaux, les animaux et la terre. C’est Aaron Mills, l’un des professeurs des deux étudiantes, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en constitutionnalisme et philosophie autochtones, qui a inspiré le choix du nom Rooted.

Dans l’essai qui ouvre le premier numéro du magazine, le professeur Mills écrit :

Rooted illustration

« Quand j’établis des distinctions entre des systèmes constitutionnels, je préfère employer le terme ‟constitutionnalisme enraciné” [rooted constitutionalism] que ‟constitutionnalisme autochtone”... Les peuples autochtones sont des modèles remarquables de constitutionnalisme enraciné; mais en matière de constitutionnalisme, l’enracinement est un concept ouvert à qui veut le nourrir. J’espère que suffisamment de peuples du monde l’adopteront assez vite pour que, dans notre contexte d’urgence liée au réchauffement climatique causé par l’anthropocentrisme, les êtres humains et la création tels que nous les connaissons puissent survivre. »

« C’est bien sûr un honneur de voir ses idées reprises et ravivées par les leaders de demain », affirme le professeur Mills. « Quoi de plus merveilleux pour un professeur que de voir autour de soi ce genre de désir d’un monde meilleur. Rooted est un bel exemple des initiatives qui me rendent optimiste : quand ces étudiants, et les personnes qu’ils soutiennent et avec qui ils interagissent, exerceront leur leadership, le droit autochtone sera intégré dans tous les processus décisionnels au Canada ».

Le messager

L’équipe éditoriale de Sarah Nixon et de Larissa Parker s’est enrichie de plus d’une dizaine d’étudiants.

Parmi eux, Brandon Montour, qui faisait partie des rédacteurs en chef adjoints l’an dernier, a grandi dans la communauté mohawk de Kahnawake, sur la Rive-Sud de Montréal. Larissa venant de décrocher son diplôme, Brandon, qui entame sa deuxième année de droit, est désormais corédacteur en chef avec Sarah.

Pour Brandon, le mélange de poésie, d’art et de textes universitaires propre au magazine « reflète vraiment l’esprit du droit autochtone ».

Brandon Montour

Brandon fait partie de la première cohorte mcgilloise à suivre le cours de traditions juridiques autochtones; il s’est rendu compte, explique-t-il, « qu’il existe de très nombreuses sources de droit traditionnel, que ce soient les aînés, les récits, les traditions, ces choses que l’on apprend en progressant dans la vie » au sein d’une communauté des Premières Nations.

Le nom mohawk de Brandon, Tehsenrehtanion, signifie « celui qui passe le message », ou « le messager », explique-t-il. En revenant sur la période où il étudiait au baccalauréat en sciences politiques à l’Université Concordia, Brandon explique : « J’ai commencé à me demander ce qu’étudier le droit pourrait représenter pour moi en tant que membre des Premières Nations. Et c’est là que j’ai vraiment réfléchi à la signification de mon nom mohawk. Quelle coïncidence d’avoir reçu ce nom et de vouloir passer un message, faire connaître nos défis, nos problèmes, nos célébrations et l’identité du peuple mohawk ».

Land Back et changements climatiques

Brandon Montour a aidé Sarah Nixon, Larissa Parker et leur équipe à joindre plus d’une centaine de contributeurs potentiels au Canada et à l’étranger au cours de la dernière année. Leurs efforts ont porté leurs fruits : le deuxième numéro du magazine, publié en août 2021 et centré sur le mouvement Land Back, inclut des points de vue de communautés autochtones en Amérique du Nord, et aussi au Pérou, au Guatemala et jusqu’en Nouvelle-Zélande.

Parmi les sujets abordés par le magazine, notons l’intersectionnalité entre la lutte contre les changements climatiques et le mouvement Land Back.

« Les peuples autochtones, où qu’ils soient, sont les premiers à ressentir les effets des changements climatiques, tout particulièrement de par leur connexion avec l’environnement », explique Larissa Parker, désormais en apprentissage en droit de l’environnement dans un cabinet juridique de Toronto. « Je pense que les peuples autochtones sont certainement les moins responsables des changements climatiques, mais qu’ils en souffrent de manière disproportionnée. »

Larissa Parker

Larissa a commencé à s’intéresser en profondeur aux effets culturels, sociaux et spirituels des changements climatiques sur les Maoris aux îles Cook pour son diplôme de maîtrise. Elle a entrepris des études de droit en partie pour apprendre quelles réponses les droits de la personne pouvaient apporter à ces problèmes.

« Je dirais que le droit autochtone est l’une des solutions aux changements climatiques », avance-t-elle. « Les Autochtones détiennent de grandes connaissances sur l’environnement et les actions à entreprendre. Mais bien sûr, des questions juridiques se posent quand on veut réparer les effets des changements climatiques : jusqu’où les gouvernements doivent-ils s’engager? Il est évident qu’ils doivent faire plus. »

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